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ENGAGEMENT AU SERVICE DE LA VERITE ET DE LA JUSTICE
10 avril 2011

LE DISCOURS DU PRESIDENT ALASSANE OUATTARA

LE DISCOURS DU PRESIDENT ALASSANE OUATTARA Monsieur le Président, Je prends la liberté de vous écrire cette lettre, pour vous dire combien j’ai été séduit par votre discours, antidaté, après la guerre qui se poursuit encore au moment où je suis en train d’écrire. Vous comprenez que le philosophe que je suis, ne peut mener cette calme activité de l’esprit que dans un climat de paix et de quiétude. J’avais l’intention, à la suite de Pierre Fontanier, d’analyser les figures du discours, mais j’ai vite déchanté car Marie-France Cyr m’a obligé de vous dire la vérité sur le mensonge. A la fin Schopenhauer, dans l’Essai sur le libre arbitre m’a invité à ne pas faire de choix, à la manière de l’âne de Buridan, entre ce que vous présentez aux Ivoiriens dans un plateau (le blocus du Président Gbagbo dans un périmètre de sa résidence) et dans un autre plateau (les différentes mesures que vous avez prises pour que la Côte d’Ivoire retrouve une vie normale). Souffrez, Monsieur le Président, que je sois pour vous un cajoleur, aux dires du Prof. Joseph Nyasani, in Confounding features of Africa car la flagornerie affecte le cajoleur et le cajolé de la même façon et dans une proportion inverse. Je serai alors cette personne, qui d’une manière générale, lorsqu’elle parle, ne peut pas faire mieux que de voler bas dans la pensée, une personne en faillite de décence ordinaire, une personne, ordinairement heureuse et résignée à vendre son destin et son âme, au Président que vous êtes. Vous le méritez, car vous l’affirmez avec insistance, : « Vous avez porté votre choix sur ma modeste personne », « (Le) Panel,…les conclusions de ses travaux qui réaffirment mon élection à la Présidence de la République », « le Conseil de Sécurité des Nations Unies reconnaît également mon élection », « Du Sud, du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du Centre, que vous soyez chrétiens, musulmans ou de toute autre confession, que vous ayez voté pour moi ou pas… » « Je renouvelle encore aujourd’hui mon serment d’être le Président de tous les Ivoiriens, d’être le protecteur de toutes les populations vivant dans notre beau pays.. » En fin, la dernière « Je vous ai promis un grand pays en cinq ans. » Après cette litanie, je voudrais vous dire, sauf votre respect, Monsieur le Président, que vous êtes, un politicien, au sens noble du terme, c’est-à-dire un menteur. Le politique, pour, Les Maîtres de vérité dans la Grèce archaïque, n’est pas une catégorie, ni un domaine, comme pourrait l’être l’éthique ou l’ontologie. Le politique avec ses rituels de fondation, ses dieux, son autonomie articulés à tant de pratiques, n’existe pas. Volatilisé, sans traces, inutile et inconnu, le politique, au sens devenu vulgaire, et même très vulgaire, est couvet de mépris. Monsieur le Président, je voudrais m’attarder, sur l’ambiguïté de vos paroles. Marcel Détienne l’affirme, la politique, c’est le monde de l’ambiguïté, une pratique qui exige une âme douée de pénétration et d’audace, et naturellement apte au commerce des hommes. Elle exige les qualités intellectuelles qui définissent le prudent, car elle se déploie dans le même milieu des affaires humaines, milieu où rien n’est stable, milieu mouvant, double et ambigu. Excellence, vous êtes un technicien du logos, un instrument et un moyen d’agir sur les Ivoiriens. Vous apparaissez comme quelqu’un qui logifie l’ambigu et qui fait de cette logique l’instrument propre à fasciner l’adversaire, capable de faire triompher le plus petit sur le plus grand. La fin de la politique est la persuasion (peitho), la tromperie(apatè). Au cœur d’une Côte d’Ivoire fondamentalement ambiguë, vos techniques mentales vous ont permis de maîtriser les Ivoiriens par la puissance même de l’ambigu. Vous êtes, Monsieur le Président pleinement un homme de la doxa. Platon a raison de vous tenir pour un maître d’illusion qui présente aux Ivoiriens à la place du vrai des fictions, des simulacres et des idoles que vous les faites prendre pour la réalité. Pour vous, en effet, l’art suprême est de dire des pseuda …etmoisin homoia. Sur ce plan de pensée, il n’y a donc à aucun moment place pour l’alètheia. Alors la véritable question que je vous pose, à la suite de Ahoué Djié est celle-ci : « Et si Alassane Ouattara n’avait pas gagné les élections ? » (Harmattan Avril 2011) Monsieur le Président, vous souffrez, sauf votre respect du syndrome de Pinocchio. J’explique, l’idée même du syndrome de Pinocchio, a été lancée à l’Assemblée Nationale de Montréal, au Canada, par un député qui tentait d’exprimer sa pensée tout en contournant un tabou absolu dans la langue de bois des élus où le mot menteur, ses synonymes et dérivés sont interdits. Votre discours manque de crédibilité sur quelques points que je voudrais rapidement relever : d’abord, vous parlez d’un blocus qui a été établi autour du périmètre de la résidence présidentielle du Président Gbagbo. Il n’en est rien. Ensuite, vous affirmez que vous vous êtes entretenu ce matin avec le Général Kassaraté, Commandant Supérieur de la Gendarmerie Nationale et le Général Brindon, Directeur général de la Police Nationale. Ici, également, je me permets de vous dire tout simplement, qu’à défaut de vérifier cette information, je tiens à vous dire mon étonnement. Une question que je voudrais vous posez : « Avez-vous confirmé ces deux Généraux dans leurs fonctions, puisque les FDS sont devenus des ex-FDS ? » Si oui, alors « reconnaissez-vous l’autorité qui les a nommés ? » Ce que je ne crois pas. Car, votre discours le disqualifie complètement par des allusions. L’allusion consiste à faire sentir le rapport d’une chose qu’on dit avec une autre qu’on ne dit pas, et dont ce rapport même réveille l’idée. Un exemple : « Monsieur Laurent Gbagbo et son clan ». Le mot clan ici, suggère que Monsieur Gbagbo n’est pas un démocrate, mais un chef de clan. A un autre endroit, vous employez « Forces Républicaines », suivies de « Forces Armées Nationales » et « des Forces Armées des Forces Nouvelles ». Ici, je m’étonne également : Est-ce que les Forces Armées des Forces Nouvelles ne font pas partie des Forces Armées Nationales ? Peut-être avez-vous voulu parlez des Forces de Défense et de Sécurité, que vous avez qualifié de ex-Forces de Défense et de Sécurité. Un lapsus qui en dit long. Je m’étonne aussi chaque fois de ces rebaptêmes. Nous sommes partis, des MPCI, des MPIGO et des MJP pour devenir des Forces Nouvelles, là où les autres disaient tout simplement Rebelles. Aujourd’hui ces Forces Nouvelles sont devenues Forces Républicaines de Côte d’Ivoire. L’enjeu de cette dénomination serait la République. Qu’est-ce donc que la République ? L’idée de République au sens où l’entend Juliette Grange est un engagement risqué en faveur de la liberté de la part de ses défenseurs au XIXè siècle ; elle semble devenue un poncif, une banalité, un repoussoir. Je ferme la parenthèse. Monsieur le Président, revenons à nos Généraux. Sachant néanmoins que vous leur vouez une haine exécrable, à ces Généraux et au clan Gbagbo, je doute fort que vous ayez communiqué avec eux. Car la communication est coupée avec eux depuis longtemps. A moins que quelqu’un d’autre l’ait fait à votre place. Alors j’éviterai d’employer les « Je, Moi, Mes, Ma, Mon » qui sont trop présents dans votre discours (j’ai compté, vous avez employé 35 Fois), pour les « Notre, Nous, Nos »(15fois). Nous vous l’avons reproché lors de votre mémorable débat télévisé, vous montrez une trop grande propension à vous mettre en valeur là où vous gagnerez à vous effacer, un peu. Mais peut-être est-ce là aussi le propre du menteur, mentir pour se mettre en valeur ? On dit de certaines personnes qu’elles rabaissent les autres pour mieux s’élever. C’est le cas du mensonge de faire-valoir qui sert à rehausser l’image de soi tout en dénigrant l’autre. Par exemple, en parlant du Président Gbagbo « A cause du refus du Président sortant Monsieur Laurent Gbagbo et de son clan… » « Le Président sortant a continué de multiplier les actes de défiance et de violations graves des droits de l’homme, en massacrant, à l’arme lourde, des populations civiles ». tandis que vous, vous êtes, « Le Président de tous les Ivoiriens », « le Protecteur de toutes les populations vivant dans notre beau pays » et surtout le Président reconnu par tous (CEDEAO, Union Africaine, Panel de haut Niveau, Conseil de Sécurité des Nations Unies, les Ivoiriens du Sud, du Nord, de l’Est, de l’Ouest, du Centre, des chrétiens, des musulmans ou de toute autre confession », « les Forces Républicaines » tandis que Gbagbo est le Président des gens de l’Ouest seulement et des ex-Forces de défenses et de sécurité » et n’est pas reconnu à l’étranger. Sans le mensonge, disait Anatole France, la vérité périrait de désespoir et d’ennui. Il y a des personnes qui passent leur temps à exagérer pour épater la galerie, qui divise par deux ou trois tous les exploits : « J’ai instruit le Gouvernement », « Je me suis entretenu avec les Généraux… », « j’ai demandé au Président de la CIE et de la SODECI », « J’ai saisi le Gouverneur de la BCEAO… », « J’ai demandé que les sanctions de l’Union Européenne » , « J’ai également instruis le Ministre des Mines et de l’Energie » Merci Monsieur l’Hyper-président ! Mais une dernière injonction ne comporte pas de « Je » mais « un blocus a été établi »…Est-ce une incapacité, l’aveu d’une impuissance ou une délégation des compétences de l’Hyper-président aux « Forces Impartiales » ? Je voudrais revenir encore une fois aux Généraux. Quand vous parlez d’eux en les nommant, est-ce que cela fait partie de votre plan d’embrouille, où vous essayez de déstabiliser l’ennemi en essayant d’acheter les consciences, d’affirmer des mensonges…Vous essayez cette combinaison de ruse, de surprise et de démoralisation. Une guerre psychologique, en somme, faite de rumeurs, d’intoxication. Vous voulez semer la discorde chez l’ennemi ; subvertir et corrompre chez l’adversaire Gbagbo, tous ceux qui peuvent l’être, particulièrement chez les Généraux. Beaucoup ont mordu à l’hameçon, mais pas tous… Aussi, le professeur et romancier Jean Gervais, dans les Mensonges de Simone n’a-t-il pas prétendu qu’il est inévitable que les politiciens mentent, car ils ne pourraient pas demeurer au pouvoir s’ils disaient la vérité. Il ajoute que nous sommes responsables de leurs mensonges puisque nous préférons nous faire bercer d’illusions plutôt que d’entendre des vérités déprimantes. Par exemple : « je vous ai promis un grand pays en cinq ans. Un pays de paix et de prospérité. Ensemble nous le réaliserons. Faites-moi confiance. » Accorderez-vous votre confiance à un politicien qui admet qu’il a été élu par la communauté internationale et qu’il a bourré les urnes pour gagner les élections ? Habituellement, nous votons pour ceux qui nous proposent des solutions, même si celles-ci sont inefficaces ou ne règlent rien à long terme. Le mensonge serait au fondement même de la politique. Le bienfait qu’il procure – donner espoir – permet de l’accepter. De plus, dans tous les Etats du Monde, la sécurité nationale passe au-dessus de l’obligation morale de dire la vérité. En temps de guerre surtout, les mensonges constituent une arme contre l’adversaire. (De) La propagande, selon Noam Chomsky, est cette campagne massive de bourrage de crâne, dont les Etats-Unis sont devenus des orfèvres et qui peut faire pâlir Goebbels de jalousie. Je n’ai malheureusement plus confiance en la classe politique ivoirienne, particulièrement en vous, Monsieur le Président. J’ai peur de vous. L’enfant à qui l’on ment se sent trahi. Celui en qui il mettait toute sa confiance se révèle être un menteur, un imposteur, un tricheur. Ce constat peut laisser des blessures permanentes : l’enfant peut commencer à se replier sur lui-même et en venir à douter de ses perceptions. A la place du mot paix que vous employez une ou deux fois dans votre discours, vous privilégiez le mot « pacification ». Je reviens à votre texte : Premier moment « C’est dans ce contexte, que les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, créés par ordonnance du 17 Mars 2011 et composées des Forces Armées Nationales et des Forces Armées des Forces Nouvelles ont entrepris, conformément à leur mission, d’intervenir pour protéger les populations civiles, pacifier le pays… ». Deuxième moment : « dans le cadre de cette action, l’intérieur du pays a été pacifié ». Troisième moment : « depuis leur entrée dans la ville d’Abidjan, le jeudi dernier, les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire ont été rejointes par leurs frères d’armes des ex-forces de Défense et de sécurité, pour entreprendre la pacification de la ville et le retour à l’Etat de droit dans notre pays ». Y a-t-l une différence entre pays et pacification ? Pacifier, vient de pax, pacificare et veut dire rétablir la paix et le calme. Cette pacification a une part liée à la violence et des modèles de pacification s’offrent à nos yeux, Monsieur le Président : la pacification du Sanwi en 1962 et celle du Canton Guébié en 1970 qui aurait fait 4000 victimes. Pacifier, comme vous le savez, Monsieur le Président, c’est choisir le parti de la violence. Je vais conclure : S’il m’était donné de choisir, d’un côté entre « maintenir le Président Gbagbo dans un périmètre de sécurité » et de l’autre, toutes les mesures prises par vous, « pour maintenir le maintien de l’ordre et la sécurité des biens, des personnes et de leurs déplacements », « l’acheminement des médicaments vers les hôpitaux et les centres de santé », « la réouverture de la BCEAO et de ses agences en Côte d’Ivoire, en vue d’assurer une reprises des opérations dans toutes les banques et permettre le règlement des salaires et des arriérés de salaires dans les plus brefs délais », « la mise en route de notre raffinerie, la SIR et d’assurer dans l’intervalle un approvisionnement régulier du marché en gaz et en carburant », l’âne de Buridan est appelé à choisir. Mais connaissez-vous l’âne de Buridan et le choix qu’il a été amené à faire ? Buridan est ce scolastique qui est né à Béthune vers 1300, et qui est mort après 1358. Il est à l’origine d’un argument selon lequel un âne, d’autres versions parlent d’un homme, « entre deux mets placés à pareille distance/Tous deux d’égal attrait, l’homme libre balance/Mourant de faim avant de mordre à l’un des deux ». Aristote, lui-même exprime déjà cette pensée, lorsqu’il dit, dans le De caelo, « Il en est comme d’un homme ayant très faim et très soif, mais se trouvant à une distance égale d’un aliment et d’une boisson : nécessairement il reste immobile. Monsieur le Président, Buridan vous prévient que le peuple ivoirien préférera mourir de faim et de soif, plutôt que de vous choisir. Il est surtout dans la quête du sens. Est-ce parce qu’il est un âne ou parce qu’il veut vous montrer qu’il est devenu majeur et que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » Dans ses Méditations pour les temps difficiles, Paul Brunton nous dit : « Etant pris dans le désordre bruyant du monde, maintenez le calme intérieur. Face à la laideur, songez à la beauté. Lorsque quelqu’un se montre bestial ou brutal en votre présence, faites preuve de raffinement spirituel et de bienveillance à son égard. Mais, par-dessus tout, quand le monde alentour vous semble enténébré et sans espoir, rappelez-vous que rien ni personne n’a le pouvoir d’éteindre la lumière du Soi supérieur, qu’elle ne tardera pas à luire de nouveau en votre vie, aussi sûrement que le printemps succède à l’hiver. » DR AKE PATRICE JEAN pakejean@yahoo.fr

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